L’Intelligence Artificielle s’impose dans les entreprises à un rythme effréné, et la question de sa gouvernance devient incontournable. Si certaines organisations ont déjà posé une charte IA, la majorité d’entre elles tâtonnent encore sur la manière de structurer un cadre à la fois protecteur et favorable à l’innovation.
Lors du World Café organisé par Atout DSI le 6 février, les participants ont exploré les enjeux d’une charte IA efficace et les dimensions de gouvernance associées. Ce compte rendu propose une analyse structurée en trois axes pour une utilisation ambitieuse et maîtrisée de l’IA.
1. Charte IA : un cadre nécessaire mais encore peu implémenté
Les échanges ont mis en lumière une réalité frappante : bien que la gouvernance de l’IA soit une préoccupation croissante, la formalisation d’une charte IA est encore balbutiante. Parmi les participants, un sur 5 dispose d’une charte diffusée, tandis que les autres sont encore à l’étape de la réflexion.
L’un des principaux freins identifiés est la difficulté à anticiper l’évolution rapide des usages de l’IA. Certains outils, comme les assistants génératifs, s’intègrent directement dans les environnements de travail (Microsoft Copilot, Gemini), rendant leur régulation complexe. Pour plusieurs entreprises, une charte IA est pourtant un prérequis avant tout usage.
La nécessité d’intégrer cette charte dans la gouvernance globale de l’IT s’impose. Beaucoup plaident pour sa fusion avec la charte informatique existante, afin d’éviter une multiplication des référentiels et garantir une cohérence avec les autres politiques de sécurité et de conformité.Enfin, une charte IA doit être évolutive. L’approche retenue par plusieurs DSI consiste à poser un cadre général dans la charte, tout en détaillant les règles dans un document annexe mis à jour régulièrement. Cette flexibilité permet d’ajuster les restrictions et recommandations au fil des évolutions technologiques et des cas d’usage émergents.
2. Équilibrer contrôle et pédagogie dans l’adoption de l’IA
Une question centrale a animé les discussions : la charte IA doit-elle avant tout encadrer les interdictions ou accompagner les usages ? Une petite majorité des DSI présents l’envisage avant tout comme un outil de contrôle, visant à éviter les dérives et protéger l’entreprise contre des risques majeurs :
- Fuites de données sensibles liées aux interactions avec des IA non maîtrisées.
- Erreurs ou biais entraînant des décisions inappropriées.
- Perte d’expertise interne due à une dépendance excessive aux outils génératifs.
Cependant, certains participants soulignent qu’une approche uniquement restrictive pourrait freiner l’innovation et provoquer du shadow IA. L’un des enjeux est donc de trouver un équilibre entre régulation et accompagnement.
Quelques incontournables autour de l’IA sont cités pour l’accompagnement :
- Accompagner les collaborateurs dans leur montée en compétence sur l’IA via des formations au prompt engineering et des retours d’expérience sur les cas d’usage réussis.
- Promouvoir des pratiques sécurisées en désignant une IA de référence validée par l’entreprise (ex. : Gemini dans un environnement Google).
- Expérimenter dans un cadre maîtrisé en créant des « labs IA » dédiés à l’exploration et aux tests de nouveaux usages.
Cette double approche permettrait d’assurer la conformité sans brider l’adoption des outils IA au sein des équipes.
3. Les défis à relever pour une adoption réussie
Même lorsqu’une charte IA est définie, sa mise en œuvre soulève plusieurs défis :
- Identifier les usages existants
De nombreux collaborateurs utilisent déjà l’IA sans en informer la DSI, posant des risques en matière de sécurité et de conformité. Un diagnostic précis est essentiel pour cartographier ces pratiques. - Assurer le respect de la réglementation
Entre l’IA Act, le RGPD et les politiques internes de cybersécurité, la charte IA doit s’aligner sur un cadre juridique en constante évolution. - Faciliter l’appropriation de la charte par les équipes
Pour éviter que la charte ne reste un document théorique, c’est bien sur une dynamique plus globale d’acculturation qu’il faut actionner.
Voici quelques idées :
1. Impliquer les managers dans la sensibilisation et l’animation autour des bonnes pratiques IA.
2. Miser sur des formats engageants : e-learning, ateliers interactifs, ou encore gamification (ex. défis IA en entreprise).
3. Encourager l’expérimentation contrôlée en définissant des KPIs clairs, comme « 50 % des personas métiers doivent avoir un processus amélioré par l’IA ».
Enfin, un point crucial concerne l’attribution des licences IA. Plusieurs entreprises se demandent s’il faut équiper tous les collaborateurs ou seulement certains, au risque de créer des disparités. Cette question de gouvernance budgétaire devra être tranchée en fonction des objectifs stratégiques et des contraintes financières.
En conclusion : une gouvernance IA dynamique et évolutive
Loin d’être un simple cadre contraignant, la charte IA doit s’inscrire dans une dynamique d’accompagnement et d’évolution continue. Si son rôle principal reste de protéger l’entreprise, elle ne doit pas freiner l’adoption des usages responsables et innovants.
La DSI a un rôle clé à jouer : en facilitant l’expérimentation encadrée, en impliquant les collaborateurs et en assurant une veille permanente sur les évolutions technologiques et réglementaires, elle peut transformer la gouvernance IA en un véritable levier de performance et de compétitivité.
Les objectifs principaux d’une charte IA Définir des principes éthiques clairs Assurer que l’utilisation de l’IA respecte les valeurs de l’entreprise et les droits fondamentaux.Garantir la conformité aux régulations S’assurer que les pratiques liées à l’IA sont en adéquation avec les lois et normes en vigueur.Encadrer les usages Préciser les applications autorisées et celles interdites, notamment pour prévenir les dérives potentielles. |
Les étapes clés pour l’élaboration d’une charte IA Impliquer toutes les parties prenantes Associer les départements juridiques, informatiques, ressources humaines et les représentants des employés pour une vision holistique.Former et sensibiliser les collaborateurs Assurer une compréhension commune des enjeux et des bonnes pratiques liées à l’IA.Mettre en place des mécanismes de contrôle et de sanction Établir des procédures pour surveiller le respect de la charte et définir des mesures en cas de non-conformité. |
Quelques conseils des experts partenaires d’Atout DSI Rédigez une charte claire et accessible Évitez le jargon technique pour garantir une compréhension large. Intégrez la charte dans la culture d’entreprise Assurez-vous qu’elle soit connue et adoptée par tous. Identifiez un référent IA Désignez une personne ou une équipe en charge du suivi et de l’évolution de la charte. Prévoyez des mises à jour régulières L’IA évolue vite, votre charte doit s’adapter en conséquence. Formez et sensibilisez les équipes Organisez des sessions sur les usages et les risques de l’IA. Fixez des critères d’acceptabilité des outils IA Définissez des standards de conformité avant adoption. Établissez des règles de transparence Précisez quand et comment l’IA est utilisée dans les processus. Impliquez les parties prenantes dès le départ Juridique, IT, RH et opérationnels doivent coconstruire la charte. |
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